9h14 affiché
au portable.
Mercredi. Jour de repos
des écoliers. Premier jour de travail. Si on peut vraiment
appeler ça travailler. Allez, debout! Les yeux encore gonflés
de sommeil, Marie sort sans peine du lit. Elle vérifie
mécaniquement que tout le monde a enfin quitté la
maison, s'enferme dans la salle de bains, fait chauffer l'eau, et
sans se soucier de la vapeur qui masque déjà le miroir,
elle enjambe le rebord de la baignoire. Le jet puissant lui brûle
la peau mais elle est ailleurs. Elle imagine ce que cette semaine
qu'elle attend depuis des mois lui réserve comme surprise.
Sans perdre de temps, elle sort de la baignoire, essuie avec énérgie
son corps gracile de jeune fille. Quelques mois encore et elle devra
rajouter une dix-neuvième bougie sur le gâteau
d'annivesaire. Tout va tellement vite à cet âge, elle
vit à cent à l'heure, sur les chapeaux de roues,
n'ayant jamais une seule minute pour partager un de ces moments
précieux avec sa famille. Elle enfile avec hâte son
jean, un tee-shirt pioché au hasard et un pull présentable.
Dans le même empressement, elle passe devant le miroir nu de
son habit aqueux, attrape mascara et eye-liner, et d'un geste sûr
et mécanique, dessine sur ces yeux en amandes un fin et
élégant trait noir qui relève son regard
lumineux. Les escaliers dévalés quatre à quatre,
sa clé de voiture dans la main droite et son sac dans la
gauche, Marie court après le temps. Elle est encore en retard.
Encore une fois, elle ne pourra suivre le planning établi.Tant
pis. Et que des feux rouges! Bon Dieu, pourquoi? Un. Deux. Trois.
Quatre. Comme on le dit souvent, vous en avez un, vous les avez tous.
Elle a l'habitude Marie. Elle sait que c'est dans les moments où
elle aurait le plus besoin de chance que celle-ci lui fait défaut.
En compensation, ce sont les chanteurs à midinettes qui lui
tiennent compagnie. Et puis, il n'y a personne sur les routes ce
matin là, seulement ces satanés feux rouges: y attendre
avec courtoisie que les autres véhicules qui se voient
attribuer le tant convoité feu vert daignent se déplacer,
elle ne supporte pas. Combien de fois a-t-elle pensé à
démarrer en trombe, à faire un joli pied de nez à
cet ingrat de feu rouge. Mais ses libertés s'arrêtent où
celles des autres commencement. Et le risque pris de renverser un
innocent, de rentrer dans une voiture qui n'avait absoluement rien
demandé est trop grand. Elle est comme ça Marie. Elle
fait tout ce qu'on lui dit de faire. Elle respecte les lois. Elle
n'oublie jamais qu'elle n'évolue pas seule dans ce monde, ce
monde que beaucoup trop négligent, accusant un peu trop
facilement les plus jeunes de le sacager. Après avoir tourné
quinze minutes en rond pour trouver une place de parking, elle court,
de flaques en flaques, de trottoirs en trottoirs jusqu'à cette
petite impasse qu'elle connaît si bien.
(S'il te plaît)