17:12 sur l'écran du GPS


Marie est la dernière à descendre de l'automobile grise, luisante de propreté sous le soleil léger de cet fin d'hiver. Il ne fait vraiment pas froid cet après-midi là dans le centre ville de sa petite bourgade de province. On entend les cris des enfants qui jouent joyeusement dans la salle communale. L'entrevue ne fut pas si catastrophique finalement. La technique a comme toujours posé problème. Les étudiants présents n'étaient pas vraiment intéressés par les explications pourtant claires et enjouées des deux intervenants. Peu importe après tout. Ce n'était pas ses affaires. Elle, pion insignifiant de l'échiquier. La porte qui la sépare des rires enfantins s'ouvrit avant qu'elle n'ait eu le temps d'en attraper la poignée. La salle a été décorée de dizaines de ballons colorés, de banderoles clamant un « Joyeux Anniversaire » en lettres majuscules, de bonbons à tout les coins de table et d'enfants surexcités. Une Barbie habillée d'une jupe comestiblement majestueuse trône au centre de la pièce sur une table dressée pour l'occasion. Les pieds résonnent sur le plancher au rythme des danses endiablées entonnées par les chérubins. D'un sifflet perçant et efficace, l'heure des bougies est annoncé. Les mains tapent fort, fort à en devenir rouge de triomphe sur celle de son voisin. Le vœu est silencieusement formulé et les bougies bruyamment soufflées. Marie est à la fois heureuse et étouffée par tant d'agitation. Elle oscille entre prendre part aux jeux des enfants, s'asseoir en cercle, entamer un match de volley avec un ballon de baudruche, courir vite n'importe où n'importe comment; et s'enfuir, là, tout de suite: aller jusqu'au port respirer le parfum des algues. La montre à son poignet lui rappelle les impératifs officiels de l'événement. Ce ne sera pas plus traîne-traîne mon balai que les effluves marines. Direction la salle de réception de l'Hôtel de Ville où déjà s'entassent Monsieur De. Et Madame De. entre le dernier reporter à la mode et la critique littéraire du magazine X, mondanités qui sont de loin pour elle le pire moment de la semaine. Marie se fraye un chemin entre les têtes blondes qui s'agitent toujours autant. L'idée de la même foule mais avec un mètre de haut de plus l'angoisse. Première à droite, tout droit, encore tout droit, toujours tout droit, à gauche puis encore à gauche. Elle n'a pas regardé les gens sur le trajet. Elle n'a pas vu cette vieille femme qui, au premier feu, à côté d'elle, cherchait ses lunettes dans son minuscule sac à main. Elle n'a pas vu cette voiture qui a remonté à toute allure la rue. Pas plus qu'elle n'a vu le camion rouge forcer le passage dans les embouteillages de 18h. Pas plus qu'entendu la sirène qui l'accompagnait. Elle n'a pas vu ce jeune homme, au pied de la porte de la mairie, une cigarette à la main, qui lui a gentiment sourit et dit bonjour. Marie marchait les yeux dans le vague, l'esprit ailleurs, peut-être déjà arrivée dans les vallées vertes et humides de l'Eire quand elle gravit la dernière marche de l'escalier. Elle retint son souffle et avança d'un pas déterminé, bien décidée à affronter cette foule.
 

Lundi 29 octobre 2007 à 22:43

12h57 à l'horloge du restaurant



Ils sont attendus à 14h. Et ils n'ont toujours pas commencé à manger. Joanne et Marc les ont rejoints il y a tout juste dix minutes. Un ouf de soulagmeent a parcouru Marie à la vue des deux collègues. Elle n'aura pas à se torturer l'esprit afin d'éviter les questions banales: C'est difficile comme métier? Comment faites-vous pour ne pas rire? Joanne ne leur a pas laissé une minute de répit depuis son arrivée. Ils sont descendus ensemble de Paris. Ils se comportent comme larons en foire. Les Anglais se moquent d'elle et de ses grandes histoires, de son bagout interminable. Affectueusement, ils l'appellent « Maman Joanne », pour la faire taire un peu. Elle monopolise tout le monde, tout le temps. Mais les conversations vont bon train, mélant harmoniquement langue de Molière et de Shakespeare. Comme deux équipes qui s'affrontent, les dialectes se succèdent. Chacun essaie de comprendre son voisin au travers d'un langage des signes inventif et de regards lourds des mots que le Tour de Babel a rendu inutilisables. Les uns traduisent aux autres. Marc semble perdu, lui et son anglais à couper au couteau. D'autres les rejoignent encore. D'autres passent en coup de vent, curieux de voir ces fameux gardes, dont tout le monde parle depuis deux jours, attendant comme des groupies leur arrivée. Il faut les avoir vus des ses yeux vus, pour pouvoir raconter aux copines après. Les clients, autour, peuvent profiter sans encombres des conversations assourdissantes de la tablée. Les assiettes arrivent enfin devant chacun d'entre eux. C'est un vrai ballet classique, orchestré, minutieux. Elles repartent aussi vite, vidées d'un seul trait, avec hâte Les cloches de l'église, toute proche, ont donné le tempo, sonnant l'heure et demi, signal du départ pour la petite troupe. Dessert, café, anecdote, tout s'enchaîne et s'entrechoque dans l'urgence déclarée par les dames de bronze et d'acier. La pièce s'anime d'une effervescence qui laisse présager du rythme quotidien des jours à venir. Menée par Marc, la troupe ne perd pas une minute de plus. Marie ferme la marche, s'asurant de n'égarer aucun de ses deux hôtes. Direction: premier rendez-vous, première grande découverte, premières habitudes à établir.


Vendredi 27 avril 2007 à 1:21

Guillaume est parti à Amsterdam,
dealer mes (é)mots et morçeaux, je crois.
Ca(l)mez-vous.

[Appo.]

Mardi 10 avril 2007 à 21:18

12h15 au carillon de l'église.



Marie pousse la porte du bureau, baignée d'inquiétude et d'excitation. Trois regards étonnés la dévisagent, attendant qu'elle brise le silence qui a figé l'agitation de la pièce, à son arrivée.
          -  Grace est là? répond-elle à ces paires d'yeux immobiles.
La question à ne pas poser. La personne dont il ne faut pas parler. Les têtes n'ont pas bougé. Les yeux fixent toujours Marie, comme si le diable était apparu, d'un coup d'un seul, sans crier gare, les troublant dans leur routine tranquille de pré-retraités des Postes. Elle comprend facilement qu'elle n'obtiendra d'elles ni renseignement ni compassion. Ce n'est pas non plus ce qu'elle recherche: les petites vieilles, c'est bien gentil, mais dans une maison de retraite ou en voyage autour du monde, point barre. Elle ne compte pas venir discuter le bout de gras chaque jour de la semaine avec elles, parlant tricot, petits enfants ou commérage. Marie attend beaucoup plus de cette semaine. Beaucoup plus qu'un échange, inter-génération ou pas. Alors qu'elle s'apprête à prendre congé de ces statues de sel, la porte s'ouvre avec fracas, laissant place à Marianne, l'honorable Présidente de l'événement. Evitant de justesse la collision, Marie en profite pour se faufiler discrètement par l'ouverture laissée béante. C'était sans compter sur Marianne qui la rattrape au passage, intriguée par ce petit bout de femme.
            -  Tu ...
          - Marie, enchantée de vous rencontrer, enchaîne-t-elle tendant le bras pour lui offrir une ferme poignée de main.
            - Ah, c'est toi la fameuse Marie!
Interloquée, Marie reste stoïque, ne sachant pas vraiment si cette exclamation relève du compliment ou du dégoût. Mais les yeux brillants de Marianne lui précisent la bienveillance du propos. Mais préssée comme à son habitude, cette dernière ne s'attarde pas sur la présence de Marie et s'eclipse vers le fond du bureau, déjà afférée à d'autres problèmes. Prenant finalement congé, Marie décide d'attendre Grace au point de rendez-vous convenu. Elle s'installe confortablement sur le banc qui fait face au restaurant où elles sont censées déjeuner, sort un bouquin et plonge dans sa lecture. Dix bonnes minutes à tuer: ça laisse assez de temps pour découvrir qui a comploté le terrible assassinat de Mr Nestor. Les pages s'enchainent à une vitesse folle. Au bout de la de la vingt-troisième, comme poussée par son instinct, Marie relève la tête. Les deux gardes anglais se baissent pour passer sous le porche avec leurs hauts casques. Et Grace les accompagne. Les trois individus sont en grande conversation, inertes à toute intervention extérieure, parlant fort et ventilant l'espace devant eux au moyen de larges gestes des bras. Le spectacle est comique. De loin, on pourrait croire à des pantins de bois, le gendarme chassant Guignol à coups de bâton. Sauf qu'il n'y a pas de bâton. Marie sent son coeur s'affoler, range son livre avec empressement et vérifie qu'elle n'a rien oublié. Bonjour Monsieur, bonjour Monsieur. Oups, ils ne parlent pas français. Hello! Première bourde, ça commence bien, Marie! Bravo. Les gardes, amusés et étonnés d'avoir à faire à une si jeune fille, plaisantent entre eux. Marie est un peu déboussolée, surtout que Grace vient de partir, la laissant seule avec ces deux impressionnants personnages de bande déssinée. Ne voyant d'autre solution, elle les précède, leur indiquant avec maladresse la porte du restaurant. Les deux gardes courtoisement, lui ouvre la porte, la suivant de près. Tous trois prennent place, gênés, autour de la table dréssée.

Samedi 24 mars 2007 à 14:35

9h14 affiché au portable.



Mercredi. Jour de repos des écoliers. Premier jour de travail. Si on peut vraiment appeler ça travailler. Allez, debout! Les yeux encore gonflés de sommeil, Marie sort sans peine du lit. Elle vérifie mécaniquement que tout le monde a enfin quitté la maison, s'enferme dans la salle de bains, fait chauffer l'eau, et sans se soucier de la vapeur qui masque déjà le miroir, elle enjambe le rebord de la baignoire. Le jet puissant lui brûle la peau mais elle est ailleurs. Elle imagine ce que cette semaine qu'elle attend depuis des mois lui réserve comme surprise. Sans perdre de temps, elle sort de la baignoire, essuie avec énérgie son corps gracile de jeune fille. Quelques mois encore et elle devra rajouter une dix-neuvième bougie sur le gâteau d'annivesaire. Tout va tellement vite à cet âge, elle vit à cent à l'heure, sur les chapeaux de roues, n'ayant jamais une seule minute pour partager un de ces moments précieux avec sa famille. Elle enfile avec hâte son jean, un tee-shirt pioché au hasard et un pull présentable. Dans le même empressement, elle passe devant le miroir nu de son habit aqueux, attrape mascara et eye-liner, et d'un geste sûr et mécanique, dessine sur ces yeux en amandes un fin et élégant trait noir qui relève son regard lumineux. Les escaliers dévalés quatre à quatre, sa clé de voiture dans la main droite et son sac dans la gauche, Marie court après le temps. Elle est encore en retard. Encore une fois, elle ne pourra suivre le planning établi.Tant pis. Et que des feux rouges! Bon Dieu, pourquoi? Un. Deux. Trois. Quatre. Comme on le dit souvent, vous en avez un, vous les avez tous. Elle a l'habitude Marie. Elle sait que c'est dans les moments où elle aurait le plus besoin de chance que celle-ci lui fait défaut. En compensation, ce sont les chanteurs à midinettes qui lui tiennent compagnie. Et puis, il n'y a personne sur les routes ce matin là, seulement ces satanés feux rouges: y attendre avec courtoisie que les autres véhicules qui se voient attribuer le tant convoité feu vert daignent se déplacer, elle ne supporte pas. Combien de fois a-t-elle pensé à démarrer en trombe, à faire un joli pied de nez à cet ingrat de feu rouge. Mais ses libertés s'arrêtent où celles des autres commencement. Et le risque pris de renverser un innocent, de rentrer dans une voiture qui n'avait absoluement rien demandé est trop grand. Elle est comme ça Marie. Elle fait tout ce qu'on lui dit de faire. Elle respecte les lois. Elle n'oublie jamais qu'elle n'évolue pas seule dans ce monde, ce monde que beaucoup trop négligent, accusant un peu trop facilement les plus jeunes de le sacager. Après avoir tourné quinze minutes en rond pour trouver une place de parking, elle court, de flaques en flaques, de trottoirs en trottoirs jusqu'à cette petite impasse qu'elle connaît si bien.

Vendredi 23 mars 2007 à 0:19

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